vendredi 19 mai 2017

Le demi de Nantes

Il est 8h, en ce vendredi 28 avril, je m'apprête à m'envoler vers mes terres natales, et les images se bousculent dans ma tête.

Je me revois, petit garçon, courant pieds nus dans la savane nazairienne, échappant de justesse aux prédateurs embusqués, et rejoignant une équipe de très jeunes ouvriers, entre 4 et 8 ans, afin d'effectuer nos 3X8 hebdomadaires sur les chantiers de l'Atlantique.
Il nous faut terminer le France. Notre petite taille, ainsi que notre agilité nous permettent d'accéder aux recoins du vaisseau. Nous en sommes aux dernières fioritures, et il nous faut livrer, dans les temps, notre ouvrage, qui fait la fierté du pays et de notre région.
Lorsque soudain, je sens mon pied droit glisser sur le pont fraichement savonné, je bascule et...

C'est alors, que, je sursaute, la bave aux lèvres, réveillé par un stewart, plus viril qu'à l'ordinaire, me demandant d'évacuer l'avion.
-"Déjà ?".
-"Ben oui M'sieurs. Toulouse-Nantes, c'est pas la traversée de l'atlantique".
-"Ok".

Je sors, de l'aéroport Nantais, aveuglé par un soleil inhabituel, et inespéré, si j'en crois mes souvenirs de bruines et de "grains", comme on dit dans le coin.
 Je suis encore pensif, alors que j'arbore mes lunettes aux verres teintés. Je repense à mon dernier rendez-vous manqué avec le marathon de Nantes de 2015, le marathon que je n'ai pas couru, pour cause de hanche récalcitrante.

J'ai bien l'intention de prendre ma revanche cette année, si ce n'est que quelque chose m'inquiète. Je suis à 48h d'un nouvel exploit, et j'ai peur de tout gâcher.
Comment vous dire ? Je suis assez connu dans le milieu pour mon professionnalisme et ma rigueur, mais je suis en proie au doute.

Je suis hébergé par mon coach nantais dont l'embonpoint me fait douter de son hygiène de vie, et j'ai peur de sombrer. Comme tout champion, je reste fragile psychologiquement, et je redoute le moment où je devrais dire "non" devant mon premier demi à base de houblon, appelant un deuxième demi, suivi inexorablement d'un troisième, et c'est l'engrenage, suivi d'une baisse assez brutale des performances sportives.

                                                          (ceci n'est pas une bière)

Il est 22h, ce vendredi soir, et après, une journée à marcher et même courir (6 km), le danger guette. C'est alors que nous échappons de justesse à un apéro traquenard qui nous tendait les bras, à base de SMS. Nous résistons à l'appel. Ouf ! je peux m'endormir rassuré. Plus que 24h.

Mais j'ai eu tort, je le reconnais, et me suis trompé sur le sérieux de mon entraineur, qui a même su se transformer en cordon bleu végétarien, me permettant de parachever de façon optimale ma préparation.

Enfin, le jour J, il est 8h30, et comme 4000 collègues en short (4 400 inscrits en tout cas), je rejoins le point de départ sur l'Isle de Nantes. Oui, il est à noté que le parcours du semi est différent de celui des marathoniens qui est d'avantage situé dans le centre, ce qui permet aux forçats du bitume d'accaparer les hourras de la foule.

Alors que nous, pauvres semi-marathoniens, nous n'avons même pas droit à la moitié d'un encouragement. Bon, j’exagère un peu, mais l'ambiance n'est clairement pas sur notre chemin.
Tant pis. L'heure particulièrement matinale n'a pas aidé non plus.

Que dire de la course ? J'ai essayé de mettre un pied devant l'autre le plus vite possible pendant 21.1 km. C'est tout.

Alors pourquoi toutes ces questions et polémiques ?
Parce que les chiffres des organisateurs et de la police (enfin, ma montre) ne concordent pas tout à fait.
Selon ma montre, j'ai fait péter mon record sur 15, 20 et 21.1 km achevés en 1h45. Yes !

Oui mais le hic, c'est que comme sur le semi semelle de Blagnac, il me restait 400 mètres avant l'arrivée que je franchis en 1h47 (temps réel).
Bon alors, je l'ai pété où je ne l'ai pas pété ce record ?


Ben si je me fie à ma montre, c'est le seul repère stable, oui, et j'achève ma tournée printanière, et mes 3 semis sur un une bonne note. 1h47 à Blagnac, 1h46 à Colomiers et 1h45 à Nantes selon les critères de Garmin.

Voilà voilà. En tout cas le classement me satisfait bien. 1170ème sur 3554. Je suis tout juste dans le premier tiers, quoi. Ouaip.

-"Merci coach. Maintenant on va la boire cette bière ?".
-"Tu préfèrerais pas une bolée de cidre ?".

Rires enregistrés.


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