dimanche 10 décembre 2017

Le marathon de La Rochelle 2017 (ou plus belle la bourriche) épisode 3

Résumé des épisodes précédents
Pour ceux qui n'auraient pas suivi les aventures trépidantes de Dembé Dembé...je suis Dembé Dembé, donc. Je suis un athlète en pleine ascension. J'ai débarqué à La Rochelle le 25 novembre 2017...blablabla...record du monde...blablabla...Apocalypse Now...blablabla... départ en trombe...blablabla...Jean-François Dembé...blablabla...envie de pisser.

Voilà, je pense avoir bien recontextualisé les choses.



épisode 3
Km 21 : Notre rêve de passer sous les deux heures s'est envolé, il faut se faire une raison, mais nous ne désespérons pas de faire bonne figure au sein du peloton.

Nous savons que c'est maintenant qu'il faut faire parler la poudre pour surclasser les 4000 concurrents, environ, qui nous précèdent.

Km 22 : "On est bien là". Je n'arrête pas de répéter cette phrase, tel un mantra tibétain. Je suis zen. Le running est amour.

Km 25 : Ravitaillement. Du sucre, du sucre, du sucre.
Je déteste le meneur d'allure 4 heures qui nous remet 200 mètres dans les dents. Le running est impitoyable.

Km 27 : Petite accélération, nous flirtons avec les 11 km/h. Je commence à espérer une remontada catalane pour finir en tête de course. "Hein ? Quoi ? Les premiers sont déjà arrivés ?".

Km 30 : Ravitaillement. Du glucose, du glucose, du glucose.

Km 31 : "Putain, on est bien !". Un excès de boisson sirupeuse me fait délirer. A moins que ce ne soit ces fameux gels plein de caféine (qui ne servent à rien d'ailleurs).

Km 32 : Je perds mon partenaire de course qui réclame (encore) une pause pipi.

Je ne peux tout simplement pas m'arrêter.

A cet instant de la course, nous explosons, J-F et moi, en plein vol, tel un hélicoptère américain dézingué par une roquette vietcong.

Jean-François a dû soulager une envie pressante, et vu l'allure à laquelle je déambule, j'espère bien qu'il va me rattraper et m'aider à me transcender pour un finish endiablé.

Malheureusement, il est porté disparu et je me dois d'affronter, une nouvelle fois en solitaire, une fin de course assez cauchemardesque. Mes jambes pèsent une tonne, et depuis ce fameux kilomètre 32, je suis en chute libre.

km 35 : je passe sous les 10 km/h et perd une bonne partie de ma dignité.

Km 37 : Purée, les rochelais sont au rendez-vous et donnent de la voix. Comment leur expliquer que je ne suis pas du tout à mon avantage ? J'essaye de leur crier "non mais d'habitude je suis beaucoup plus fringant ! ". Mais aucun son ne sort de ma bouche.

Km 38 : Je déteste le public qui me crie "Plus que 4 km !".

Km 39 : "Plus que 3 kilomètres !".
-" Ta gueule !!!" me dis-je.
Le running est colère.

Je dois avoisiner les 8.5 km/h lorsque je dépasse miraculeusement un concurrent à l'agonie. Il a l'air encore plus mal que moi. Ma tendance naturelle à l'altruisme me pousse spontanément à lui crier "allez, plus que 2 kilomètres !". Il ne répond pas.

Km 41 : J'en ai marre !
La foule est en délire et je fais du 8 km/h.

Et puis ça y est. Dans un état second je franchis enfin cette foutue ligne d'arrivée 4h09 après avoir franchi celle de départ. Je me maudis de pratiquer ce sport de débiles. Je suis à deux doigts de renier mes origines kenyanes.

D'ailleurs, le pays est en deuil, car ce sont trois éthiopiens, nos frères ennemis, qui montent sur le podium et raflent la mise.

Jean-François Dembé me rejoint. Il est aussi dépité que moi.

Epilogue :
Je retrouve le moral lorsque j'apprends qu'une belle bourriche d'huîtres récompense tous les finishers du marathon de La Rochelle. Ça fait plaisir.


De plus, l'honneur des Dembé est sauf, car nous apprenons que Dembé Junior, le fils de J-F, a brillé sur le 10 km. Sans quasi aucun entrainement, il nous fait péter un 42 minutes qui laisse augurer de véritables performances olympiques dans un futur proche. Il a les gênes de la famille. Ouf !

Voilà, mon aventure rochelaise touche à sa fin. Merci les Dembé, Merci la Charente-Maritime.

"This is the end my friend".